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Dans son article 104, la Constitution fédérale dispose que la Confédération complète le revenu paysan par des paiements directs aux fins de rémunérer équitablement les prestations fournies. L’article 5 de la loi sur l’agriculture précise que les exploitations remplissant les critères de performance économique doivent être en mesure de réaliser, en moyenne pluriannuelle, un revenu comparable à celui du reste de la population active dans les autres secteurs économiques de la même région. Si les revenus baissent en dessous du niveau de référence, des mesures doivent être prises. La politique agricole a donc un mandat clair en ce qui concerne les revenus. Pour le suivi de la situation économique de l’agriculture, deux statistiques complémentaires sont calculées : à travers le Dépouillement centralisé des données comptables, Agroscope examine la situation économique au niveau des exploitations individuelles ; à l’aide des Comptes économiques de l’agriculture, l’Office fédéral de la statistique situe le secteur agricole dans le contexte de l’économie nationale.
Cette analyse permet aussi de considérer de manière différenciée les différents types d’exploitations et les différentes régions. En moyenne, une exploitation génère 80 % de son revenu, soit la majeure partie, grâce à la vente de ses produits. La situation sur les marchés exerce donc une influence considérable sur le revenu des familles paysannes. Les paiements directs constituent environ un cinquième de leurs recettes. Toutefois, cette part peut fortement varier suivant l’emplacement et les conditions de production.
En 2024, le revenu du travail par unité de main-d’œuvre familiale est reparti à la hausse pour la première fois depuis 2022. Il se situe désormais en moyenne à 59 100 francs (figure 1). Le salaire moyen reste donc nettement inférieur au salaire comparable dans toutes les régions et seule une minorité atteint le revenu de référence (figure 2). En combinant le faible revenu du travail avec les longues semaines de travail moyennes de 62 à 66 heures, il en résulte un salaire horaire moyen de moins de 18 francs pour la main-d’œuvre familiale. L’augmentation des revenus et de la rémunération du travail s’explique par la hausse des prix à la production de la viande de porc due à un repli de l’offre, par une très bonne récolte de pommes et de poires ainsi que par l’essor de la production de viande de volaille et d’œufs en raison de la demande. Considérée sur l’ensemble du secteur agricole, cette augmentation du revenu a été obtenue malgré des pertes de rendement dans les grandes cultures, les cultures maraîchères et la viticulture en raison des conditions météorologiques défavorables, ainsi que malgré des charges plus élevées qu’à l’ordinaire pour les amortissements, l’entretien des immeubles et l’électricité.
Suivi de la situation des revenus agricoles
La répartition des moyennes révèle d’énormes écarts, tant à l’intérieur des groupes d’exploitations qu’entre ceux-ci, et entre les régions. Dans le quartile inférieur (le quart comprenant les revenus les plus faibles), les revenus se révèlent particulièrement précaires tous types d’exploitations confondus. Alors que les types d’exploitation « transformation », « grandes cultures », « cultures spéciales » ou « combinée transformation » permettent de dégager une rémunération de loin supérieure à celle des autres types d’exploitation, les détenteurs de bétail laitier et de petit bétail disposent d’un revenu particulièrement faible.
En résumé, la situation des revenus agricoles reste insatisfaisante. Les prix à la production doivent augmenter afin de couvrir les coûts et d’absorber les risques de production croissants. Par ailleurs, les exercices d’économie visant à assainir les finances fédérales ne doivent pas se faire sur le dos des familles paysannes.
Jonas Eyer
Gérant de la commission des jeunes agriculteurs
Collaborateur spécialisée Numérisation et agriculture de montagne
Belpstrasse 26, 3007 Bern
jonas.eyer@sbv-usp.ch
Département Economie, formation & relations internationales
Division Economie agraire