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Contexte
Au cours des dix à quinze dernières années, un nombre croissant de demandes de brevets a porté sur des plantes issues de la sélection conventionnelle, qui n’étaient pas génétiquement modifiées. L’Office européen des brevets (OEB) a délivré plus que 200 brevets depuis lors. Certains cas, comme celui du brevet délivré en 2003 sur les propriétés d’une tomate ridée, issue de méthodes de sélection conventionnelle, ont suscité de vives critiques dans les médias et de la part d’ONG, d’organisations de sélectionneurs et de paysans, et ont soulevé de nombreux débats sur la législation en matière de brevets. Les brevets ont donné lieu à des plaintes, car en vertu de la Convention sur le brevet européen (CBE), les variétés végétales ou les races animales ainsi que les « procédés essentiellement biologiques » d’obtention de végétaux ou d’animaux ne sont pas brevetables. La directive européenne correspondante n’est toutefois pas formulée assez clairement. En outre, ce que l’OEB définit par « essentiellement biologique » ne correspond pas à ce qui est en général entendu par sélection conventionnelle (par opposition au génie génétique).
Brevet ou protection des obtentions végétales ?
Les brevets doivent stimuler l’innovation et l’inventivité en assurant la protection des inventions. Dans l’agriculture, la loi sur la protection des obtentions végétales garantit la protection de la propriété intellectuelle des nouvelles variétés et tient compte des particularités de la sélection de semences. Dans la protection des obtentions végétales, il est prévu de protéger uniquement la dernière étape du développement, à la différence du brevet, dont la protection peut aller beaucoup plus loin, p. ex. par le brevetage d’une propriété appartenant à une variété sauvage. Si un autre sélectionneur veut utiliser cette propriété, il doit payer des redevances de licence au titulaire du brevet, lequel peut même lui en interdire l’utilisation.
| Protection des obtentions végétales | Brevet | ||
| Consentement du titulaire de la protection de l’obtention végétale ? | Redevances de licence | Consentement du titulaire du brevet ? | Redevances de licence |
Sélection | non | aucune | oui | oui |
Multiplication | oui | dans un cadre raisonnable pour la propre exploitation | oui | oui |
Production | oui | oui | oui | oui |
Vente | oui | oui | oui | oui |
La boîte noire du brevetage
Le problème essentiel réside dans le fait que le sélectionneur ne sait pas quels sujets de départ contiennent du matériel breveté. Il est très laborieux, voire impossible pour le sélectionner d’obtenir des informations à ce sujet, aucune transparence n’existe à l’heure actuelle. Il en résulte une diminution considérable des sujets de départ utilisés par le sélectionneur, puisque dans le doute, celui-ci s’abstiendra d’avoir recours à du matériel susceptible d’être protégé par un brevet.
Répercussions économiques
Le brevetage représente un facteur parmi d’autres renforçant la concentration de pouvoir sur le marché dans le domaine des semences. L’exemple de la betterave sucrière est éloquent : quatre entreprises se partagent 86 % des parts de marché, huit entreprises contrôlent ensemble 99 % du marché européen. La concentration du marché entraîne les répercussions indésirables suivantes :
- Plus la concentration dans un secteur est forte, moins la concurrence déploie ses effets. En conséquence, seule une poignée de fournisseurs déterminent l’offre et les prix du marché, faisant ainsi augmenter le prix des semences.
- La concentration sur le marché des semences a des répercussions sur la diversité des acteurs dans la branche des semences et, partant, sur la diversité biologique et notamment génétique de nos plantes cultivées.
- Le développement des variétés est tourné vers des variétés à haut rendement et non pas vers des variétés robustes avec des résistances, ni vers des variétés régionales ou adaptées au changement climatique.
Position de l’USP
Le brevetage induit à plusieurs niveaux des effets qui ne vont pas dans le sens voulu par l’agriculture : il renchérit les semences, il a tendance à réduire le choix de variétés disponibles, lesquelles évoluent davantage vers des variétés à haut rendement que vers des variétés robustes.
Vu ce qui précède, l’USP s’oppose catégoriquement au brevetage de semences. Elle estime que la loi sur la protection des obtentions végétales est plus appropriée que les brevets pour protéger le travail du sélectionneur. La loi sur la protection des obtentions végétales a été conçue pour les particularités dans la sélection végétale et les prend spécifiquement en compte.